52 2015 여름호
프랑스문화예술연구 여름호 ( 제 52 집 ) << 목차 >> 프랑스어문학 시인의신화적전기 (mythobiographie): 이브본느프와시집 생가 Simon Kim 1 프랑스중세의번역과번역자 김준한 27 까뮈의 L'Étranger 를통해본그리스사상과기독교의대립 박언주 53 인지언어학을통한전치사 à 의의미구조분석 박정준 85 마리즈콩데 Maryse Condé 의 맹그로브가로지르기 Traversée de la mangrove 에나타난프랑스어권카리브해문화의불투명성과관계 정체성 - 이가야 123 Le nez qui voque 의반항의형이상학 정상현 149 프랑스문화예술및지역학 로랑파비우스에의한프랑스의외교영향 Eyssette Jérémie 177
문예지 자유 와퀘벡시문학운동 한대균 229 학회임원진 / 251 프랑스문화예술학회회칙 / 252 편집위원회규정 / 257 연구윤리규정 / 261 저작권규정 / 264 논문심사규정 / 265 논문기고안내 / 266 회원가입안내 / 268
프랑스문화예술연구제 52 집 (2015) pp.1 25 La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy Simon Kim Korea University 목차 Introduction Le re ve et l espace mythique Les mythèmes de la mort Le mythe de Cérès Le poème et le mythe Conclusion 1. Introduction Publié en 2001 avec Les Planches courbes, l ensemble de poèmes que forme La Maison natale aborde une enfance qui rappelle celle du poète Yves Bonnefoy mais condense également d une manière succincte et originale ce qui constitue son univers poétique. Composée de douze poèmes, La Maison natale décline ce thème de l enfance en autant de variations.
2 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 Sur cet ensemble de douze poèmes, cinq s ouvrent sur le motif du réveil : Je m éveillai (1, 2, 3, 6), J ouvre les yeux (8), comme pour indiquer que le poète-narrateur sort d un état (le somme) pour revenir à la réalité (de la veille). Toutefois, très vite, certains détails remettent en cause la séquence attendue je dors / je rêve / je m éveille. Au poème II, dans la maison natale à laquelle je m éveille, il pleuvait doucement dans toutes les salles (p.84); au poème VI, c est le train dans lequel je m éveille qui allait maintenant vers de grands nuages (p.89). L éveil du poète n est donc pas du somme à la veille, du rêve au réel, mais à l inverse, c est une entrée dans les nuages, dans le domaine des rêves, ainsi que le révèle le poème V qui commence ainsi : Or, dans le même rêve / Je suis couché au plus creux d une barque (p.87). Cet univers n est donc pas celui du réel, mais un espace i réel ou su réel, un espace onirique et mythique. Onirique et mythique parce qu il se définit encore par des mythèmes qui donnent au poème une dimension plus universelle et fondamentale à l enfance du poète. C est cette lecture mythocritique, par le déchiffrage de ces mythèmes, que nous nous proposons de faire ici pour révéler cette mythobiographie 1) qui est en oeuvre dans la Maison natale. Il ne s agira donc pas tant de relever les mythes évoqués dans ces poème s 2) mais de dégager la trame mythobiographique du recueil pour 1) Nous empruntons le terme à Claude Louis-Combet qui le définit ainsi : L'autobiographie doit se développer sur le territoire des mythes, des rêves, des fantasmes. Elle réalise, en ce sens, un projet anthropologique. Le narrateur cesse de raconter sa vie. Il s'efforce seulement de la déchiffrer dans les miroirs des songes collectifs ou individuels. C'est ce que j'ai appelé une mythobiographie. (dans Entretien avec Alain Poirson, France-Nouvelle 1980). 2) On renverra par exemple à la fiche de lecture du premier poème du recueil proposée
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 3 voir ce qu il nous dit de la poésie d Yves Bonnefoy au-delà de son simple aspect autobiographique. 2. Le re ve et l espace mythique Le monde auquel le poète s éveille dans la série des poèmes de la Maison natal est donc le monde du rêve. Le poète s éveille au rêve de son enfance, de sa maison natale. C est donc un rêve mêlé de souvenirs, comme le révèle le poème VII qui commence ainsi : Je me souviens, c était un matin, l été (p.90). Gaston Bachelard, dans La Poétique de la rêverie, notait d ailleurs que dans leur primitivité psychique, Imagination et Mémoire apparaissent en un complexe indissoluble. (...) L imagination colore dès l origine les tableaux qu elle aimera à revoir 3). Autrement dit, l imagination travaille les souvenirs pour en faire des images ; ce ne sont plus de fidèles reflets du passé, mais des images produites par l imagination rêvante. Ainsi, dans le poème I par exemple, la description de la maison natale se fait en deux temps, l un réaliste ( Je passai dans la véranda, la table était mise (p.83)), l autre onirique ( L eau frappait les pieds de la table, le buffet. ). Et cette imagination rêvante, Bonnefoy l appelle l Imagination métaphysique : L imagination proprement métaphysique (...) leurrée par son sur le site des enseignants(http://www.eau-seine-normandie.fr/fileadmin/mediatheque /Enseignant/Outils_Pedagogiques/Lycee_F2/AESN10-lycee_F2-Fran_4.pdf) qui ne propose qu une analyse très sommaire des mythes évoqués dans le poème. 3) Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, PUF, 1960, p.89.
4 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 rêve, ne songe pas à revenir vers la condition terrestre (...). Dans ce qu elle met en scène rien que de la représentation, rien que des notions et non l expérience pleine de ce qui est, jamais l épaisseur d existence par quoi les réalités du monde se présentent à nous quand nous y venons en silence. Ce grand, ce superbe éclat de là-bas, de là-haut, ne sait pas la réalité en sa profondeur, dont la finitude est la clef. Et même il ne brille à notre horizon, et ne s y réfracte, à travers les couches lointaines de l apparence sensible, qu en accentuant dans notre coeur effrayé l impression funeste que ce monde-ci est décidément du côté de la nuit. Il est vrai qu il rappelle à l esprit ce que la parole ordinaire ne lui dit pas, le fait de l absolu, la vraie vie, le rapport de présence à présence qui pourrait s établir entre les êtres. Mais il ne permet qu en image l accès à cette vraie vie. 4) Ainsi, la maison natale décrite dans ce recueil n est pas la maison de son enfance dans le Lot, elle n en a plus l épaisseur d existence et elle ne prétend pas même la récupérer. Elle est une image, une représentation qui laisse pourtant dans notre coeur effrayé l impression funeste que ce monde-ci est décidément du côté de la nuit. C est que la description de la maison natale dans ces douze poèmes n est ni neutre, ni sereine et paisible. La maison natale n est pas associée immédiatement à la tranquillité et à la sécurité du giron maternelle. Au contraire, son caractère onirique hésite entre le rêve et le cauchemar : Je m éveillai, c était la maison natale, 4) Yves Bonnefoy, L imaginaire métaphysique, Seuil, 2006, p.23.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 5 L écume s abattait sur le rocher, Pas un oiseau, le vent seul à ouvrir et fermer la vague, L odeur de l horizon de toutes parts, Cendre, comme si les collines cachaient un feu Qui ailleurs consumait un univers. (I, p.83) La maison est vide, l intérieur et l extérieur se confondent et une menace pointe à l horizon un ailleurs qui se consume. Je vais dans la maison de pièce en pièce, Il y en a maintenant d innombrables, J entends crier des voix derrière des portes, Je suis saisi par ces douleurs qui cognent Aux chambranles qui se délabrent, je me hâte, Trop lourde m est la nuit qui dure, j entre effrayé Dans une salle encombrée de pupitres. (V, p.87) Ce ne sont pas les souvenirs qui sont mauvais, ce sont les images, les rêves qui se sont vidés de la familiarité du souvenir et en sont devenus inquiétants. Freud a fort bien montré ce qui lie, étymologiquement et psychanalytiquement, l inquiétant (unheimlich) et le non-familier (unheimlich) 5) : nous sommes présentés face à un contenu que nous croyons réel (la maison natale) et dont la réalité se dérobe tout-à-coup (la maison engloutie sous les eaux, des cris derrière les porte, etc.). Il y a d ailleurs une dichotomie entre le rêve et la réalité, entre la maison réelle (du souvenir) et la maison rêvée. Dans le souvenir, la maison natale est celle qui fut et rien de plus 5) Nous renvoyons à l essai intitulé Das Unheimliche (L Inquiétant), traduit par J. Altounian, A. Bourguignon, P. Cotet, J. Laplanche et F. Robert, dans Les Oeuvres complètes de Freud, volume XV, PUF, 1998, pp.147-188.
6 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 (VIII, p.92), l espace familier dans lequel l enfant Yves Bonnefoy apercevai[t] [s]on père au fond du jardin (VII, p.90) ; dans la rêverie, nous l avons vue, elle devient un lieu inquiétant et désert avec la sans-visage / Que je savais qui secouait la porte / Du couloir, du côté de l escalier sombre (I, p.83). Ainsi cette maison natale, familière dans le souvenir, devient inquiétante et étrangère dans le rêve, c est-à-dire qu elle devient autre que celle qui fut. Comme le remarque Bachelard dans sa Poétique de la rêverie, dans la rêverie, nous mêlons précisément le familier et l étranger : Nous allons dans un ailleurs tout proche où se confondent la réalité et la rêverie. C est bien là l Autre-Maison, la Maison d une Autre-Enfance, construite, avec tout ce qui aurait-dû-être, sur un être qui ne fut pas et qui soudain se prend à être, se constitue dans la demeure de notre rêverie. 6) Cette Autre-Enfance construite avec tout ce qui aurait-dû-être, c est celle des origines où le père du poète ne serait pas mort 7), celle où se rejoue l enfance du poète qui ignore encore la réalité dont la finitude est la clef. à cette époque où il avai[t] trop l âge encore de l espérance (VI, p.89). En d autres termes, c est à un espace mythique qu ouvre la rêverie autour de la maison natale, puisque, ainsi que le note Fadi Khodr, dans son retour aux origines, Bonnefoy rencontre des mythes qui actualisent son trajet imaginaire 8). De fait, la série des douze poèmes regorge de mythèmes et de 6) Bachelard, Op. cit., p.104. 7) Le père d Yves Bonnefoy, Elie, ouvrier-monteur, décède quand Bonnefoy a treize ans. 8) Fadi Khodr, Yves Bonnefoy et la réécriture du mythe, sous la direction de Peter
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 7 références à la mythologie antique que Bonnefoy lui-même rapproche aux faits d existence, pouvant prendre valeur de radioscopie (...), fournir des confirmations ou des clefs 9). Nous sommes donc bel et bien dans une entreprise mythobiographique avec un narrateur qui cesse de raconter sa vie et s efforce de la déchiffrer dans les miroirs des songes collectifs ou individuels 10) que représentent les mythes. 3. Les mythèmes de la mort L inquiétant, l étrangeté de la rêverie, provient également de ce que les différents éléments de la description imaginaire mettent en scène, prenant la valeur de mythèmes et guidant par là-même notre lecture. Si nous observons un à un ces éléments, nous pouvons donc reconstituer une des trames qui se noue dans le recueil de La Maison natale. Ainsi que nous l avons déjà signalé, cette vaste évocation de la maison natale du poète mêle réalité et rêverie, souvenir et imagination. Les deux coexistent à l intérieur du poème, le père vivant qui lui propose de jouer aux cartes (poème VII) et le père décédé qui est passé de l autre côté, sur l autre rive : (...) La fatigue Qui a été le seul nimbe des gestes Qu il fut donné à son fils d entrevoir Schnyder, Métamorphoses du mythe, Orizons, 2008, p.787. 9) Yves Bonnefoy, Récits en rêve, Mercure de France, 1987, p.50. 10) Cf. note 1.
8 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 Le détache déjà de cette rive. (VIII, p.92) Ici, deux points méritent de retenir notre attention : l idée d une démarcation entre deux rives (poèmes V, VIII, XI), entre intérieur et extérieur (poèmes II, III), d une séparation par une porte (poèmes I, V) ou par une montagne (poèmes VI, X), et par ailleurs la présence de l eau qui sépare les deux rives. La démarcation, la séparation marque non seulement la différence entre la réalité et le rêve, entre le souvenir et l imagination, elle délimite encore l espace entre celui dans lequel se trouve le poète-enfant et celui de l Autre-Maison dont parlait Bachelard. L Autre-Maison est là, à portée de main, de l autre côté de la porte, mais toujours inaccessible : Je tournais la poignée, qui résistait (I, p.83). Même lorsqu il voit son père, c est à travers une fenêtre entrouverte tandis que son père est au fond du jardin (VII, p.90). Ou bien c est lui, l enfant, séparé de ses parents, qui, du fond de ce jardin les voit, les regarde (VIII, p.92). La séparation physique de l enfant d avec son père ne fait que rendre plus évidente encore la signification de l omni-présence de l eau dans le recueil. C est l eau qui sépare les deux rives dans les poèmes I et VIII par exemple, comme le Styx séparant le royaume des morts du royaume des vivants dans la mythologie grecque : Les grandes voiles de ce qui est voulaient bien prendre L humaine vie précaire sur le navire Qu étendait la montagne autour de nous. (...) Elles couvraient des claquements de leur silence
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 9 Le bruit, d eau sur les pierres, de nos voix, Et en avant ce serait bien la mort (X, p.95, c est nous qui soulignons) Ici, le temps se creuse, c est déjà L eau éternelle à bouger dans l écume, Je suis bientôt à deux pas du rivage. Et je vois qu un navire attend au large, Noir, tel un candélabre à nombre de branches Qu enveloppent des flammes et des fumées. Qu allons-nous faire? crie-t-on de toutes parts, Ne faut-il pas aider ceux qui là-bas Nous demandent rivage? Oui, clame l ombre, Et je vois des nageurs qui, dans la nuit, Se portent vers le navire (...) (XI, p.96) L eau est donc connotée funèbrement, elle est associée à la nuit et à la mort, et c est bien ce qui rend sa présence si inquiétante. Le navire qui attend pour aider à franchir cette eau, n est-ce pas la barque de Charon le passeur, l ombre qui répond aux nageurs dans le poème XI? Dans le poème V, le poète est couché au plus creux d une barque (V, p.87), mais arrivé à destination il ne se relève pas, il refuse de voir le rivage des morts et garde les yeux contre le bois / qui a odeur de goudron et de colle (idem). Et quand il se relève finalement, c est pour se retrouver dans l école où il fut élève, mais c est maintenant à l école de le rejeter, l école appartenant au passé, à la mort, à un univers consumé par le feu (au poème I). Bachelard, dans L Eau et les Rêves, écrit ainsi à propos de certaines rêveries autour de l eau :
10 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 La rêverie commence parfois devant l eau limpide, toute entière en reflets immenses, bruissante d une musique cristalline. Elle finit au sein d une eau triste et sombre, au sein d une eau qui transmet d étranges messages et de funèbres murmures. La rêverie près de l eau, en retrouvant ses morts, meurt, elle aussi, comme un univers submergé. 11) En mourant, la rêverie sombre dans l oubli, ou, pour reprendre l expression de Bachelard, elle devient comme un univers submergé très précisément à l image de cette maison natale décrite par Bonnefoy, dans laquelle de l eau glissait / silencieusement sur le sol noir (IV, p.86), si haute était déjà l eau dans la salle (I, p.83). C est que l eau des Enfers, c est aussi le Léthé, le fleuve de l oubli, auquel renvoie le poème II qui parle de l eau rapide où s efface le souvenir (II, p.84). L enfant-poète sait qu [il] n aur[a] pour tâche / que de [se] souvenir (IV, p.86), mais lorsqu il se retourne, c est sur la route vide (IV, p.86). Car quand il se souvient, il est cruel / le souvenir des matins de l enfance (VII, p.90), si bien qu à la fin ce sera / tout de même l oubli, l oubli avide (VII, p.91). Le paysage mythologique est donc celui du seuil (un thème cher à Bonnefoy dont l un des plus fameux recueils s intitule justement Dans le leurre du seuil) entre deux mondes, celui des vivants et celui des morts qu on entend parfois les rires des enfants dans l herbe haute (I, p.83), parfois des voix qui jetaient des ombres sur la route (IV, p.86) ou encore des cris derrière des portes (V, p.87). Face à ce paysage, le poète n est pourtant pas immobile et contemplatif ; il se tient seul sur le seuil dans le vent froid (III, p.85), dans 11) G. Bachelard, L Eau et les Rêves, José Corti, 1942, p.66.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 11 l expectative, il se déplace à l intérieur de la maison ( Je passai dans la véranda, la table était mise (I, p.83)), allant de pièce en pièce (V, p.87). Nous avons vu encore qu au poème V, il était monté sur la barque qui fait le lien entre les deux royaumes, encore un seuil. Dans le poème VI, il est en voyage / le train avait roulé toute la nuit (VI, p.89), mais ce voyage est toujours un seuil, puisqu il est l aller et jamais l arriver dans un lieu nouveau. Depuis le train il ne fait que regarder à l extérieur, au dehors, l avènement du monde (VI, p.89). Et toujours l espérance (VI), le désir de plus haute ou moins sombre rive (V, p.87), à la recherche de quelque chose ou de quelqu un (la sans-visage (I, p.83), les mèches désordonnées de la déesse (II, p.84)), faisant du poète un Orphée à la poursuite de son Eurydice : Et des voix, qui jetaient des ombres sur la route, Ou m appelaient, et je me retournais, Le coeur précipité, sur la route vide. (IV, p.86) 4. Le mythe de Cérès Si les mythèmes que nous avons relevés font penser au mythe d Orphée descendant aux Enfers à la recherche d Eurydice, c est à un autre mythe qu Yves Bonnefoy nous renvoie dans La Maison natale, celui de Cérès: Je comprends maintenant que ce fut Cérès
12 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 Qui me parut, de nuit, chercher refuge Quand on frappait à la porte, et dehors, C était d un coup sa beauté, sa lumière Et son désir aussi, son besoin de boire Avidement au bol de l espérance Parce qu était perdu mais retrouvable Peut-être, cet enfant qu elle n avait pas su, Elle pourtant divine et riche de soi, Soulever dans la flamme des jeunes blés Pour qu il ait rire, dans l évidence qui fait vivre, Avant la convoitise du dieu des morts. (XII, p.97) Cérès est la déesse qui fait mûrir le blé et jaunir la moisson 12), d où les scènes de flammes dans les poèmes de la Maison natale ( la flamme des jeunes blés (XII, p.97), cet autre feu, en contrebas d un champ (VI, p.89), comme si les collines cachaient un feu (I, p.83)) : le flambeau est l un des attributs de la déesse dans la statuaire antique. Mais surtout Cérès est associée à Déméter, elle aussi déesse du blé et des moissons, dont la fille Perséphone fut enlevée par le dieu des Enfers : Au moment de disparaître dans l abîme, Perséphone a poussé un cri. Déméter l a tentendue, et l angoisse lui étreint le coeur. Elle accourt, mais Perséphone est introuvable. Pendant neuf jours et neuf nuits, sans prendre de nourriture, sans boire, ni se baigner, ni se parer, la déesse erre par le monde, un flambeau allumé dans chaque main. (...) Irritée, la déesse décida de ne plus remonter au ciel et de rester sur la terre, abdiquant sa fonction divine jusqu à ce qu on lui ait rendu sa fille. 13) 12) Félix Guirand et Joël Schmidt, Mythes & Mythologie, Larousse, 1996, p.645.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 13 Ainsi, la sans-visage cherchant à ouvrir une porte qui refuse de s ouvrir dans le poème I, le front triste et distrait de petite fille que le poète découvrai[t] sous le voile de l eau et les mèches désordonnées de la déesse qu il touche (II, p.84), c est Cérès-Déméter, qui apparaît nommément ( Cérès moquée brisa qui l avait aimée (III, p.85)) au poème III. Le poète à la recherche de ses morts croise la déesse à la recherche de sa fille enlevée, ils sont tous deux sur le seuil, cherchant du regard (l emploi récurrent des verbes relatifs au regard (regarder, apercevoir, voir) dans l ensemble des douze poèmes est partiulièrement parlant en ce sens) dans l obscurité de la nuit, dans l ombre du rêve. Le poème III, le seul qui mette en scène directement la déesse, décrit une scène singulière ; sur le seuil, l enfant, avec deux femmes qui se parlent : L une, derrière, une vieille femme, courbe, mauvaise, L autre debout dehors comme une lampe, Belle, tenant la coupe qu on lui offrait, Buvant avidement de toute sa soif. (III, p.85) L enfant laisse échapper un rire et voyant la déesse boire si avidement et Cérès moquée brisa qui l avait aimée. Cette scène reprend un épisode des Métamorphoses d Ovide qui met en scène la déesse Cérès. Cependant la mère de Proserpine, alarmée du sort de sa 13) Pierre Grimal, Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, PUF, 1951, p.120.
14 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 fille, la cherchait vainement sur toutes les terres, sur toutes les mers. Ni l Aurore, quand elle se levait, les cheveux encore humides, ni Hespérus ne l ont vue interrompre sa course ; elle a allumé de ses deux mains aux feux de l Etna des torches de pin et les porte sans relâche au milieu des ténèbres glacées ; quand le jour bienfaisant a fait pâlir les étoiles, elle recommence à chercher sa fille depuis les contrées où le soleil se couche jusqu à celles où le soleil se lève. Epuisée de fatigue, elle souffrait de la soif et aucune source n avait humecté ses lèvres, lorsqu elle aperçoit par hasard une cabane couverte de chaume ; elle frappe à son humble porte ; une vieille femme en sort qui, à la vue de la déesse demandant de l eau, lui offre un doux breuvage, qu elle avait saupoudré avec de l orge grillée. Tandis que la déesse boit ce qui lui est offert, un enfant, à l air dur et insolent, s est arrêté devant elle ; il se met à rire et l appelle goulue. Offensée, elle lui lance, pendant qu il parlait encore, ce qui restait du breuvage et répand sur lui l orge mêlée au liquide. Son visage s imprègne de taches ; ses bras font place à des pattes ; une queue s ajoute à ses membres transformés ; son corps est réduit à de faibles proportions, pourqu il ne puisse pas faire grand mal ; sa taille est inférieure à celle d un petit lézard. La vieille femme étonnée pleure et cherche à toucher cet animal né d un prodige ; mais il la fuit et court se cacher ; il porte un nom qui rappelle la couleur de son corps, constellé des gouttes qu il a reçues ça et là. 14) Bonnefoy s identifie à l enfant qui se moque de la déesse et se voit puni d avoir ri. Toutefois le rire, très présent dans les poèmes de la Maison natale, s il est celui des enfants (poèmes I, X), n est jamais 14) Ovide, Les Métamorphoses, Livre V, 438-461, traduit par Georges Lafaye, Folio, 1992, pp.180-181.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 15 moqueur ( pitié pour Cérès et non moquerie (XII, p.97): Ai-je voulu me moquer, certes non, / Plutôt ai-je poussé un cri d amour (III, p.85). Ce cri d amour poussé en direction de la déesse est riche de toutes les espérances de l enfant-poète, car le parcours de l enfant et de la déesse est le même, nous l avons dit. Leur destinée se mêle dans le poème comme le rêve et la réalité dans la rêverie, et en même temps, une porte, l eau, le seuil les sépare encore. Car cette femme, si belle, si jeune et si grande en même temps, c est aussi la mère, présence originelle de la maison natale qui devient maison maternelle ( Qu avais-je eu, en effet, à recueillir / de l évasive présence maternelle (IX, p.93)). Cérès-Déméter est de fait une déesse maternelle puisqu elle est pour toujours associée, dans la mythologie, à sa recherche de sa fille perdue. Ainsi, la recherche de l enfant-poète se double de ce que Fadi Khodr appelle une quête résurectionnelle de la figure maternelle 15). Résurectionnelle, elle l est parce qu il s agit, encore une fois, d aller tirer cette figure hors des limbes du passé, d aller à sa rencontre sur ce seuil. La figure de Cérès est une figure chère à Yves Bonnefoy qui lui a consacré plusieurs vers dont un sonnet, La dérision de Cérès. Or ce poème renvoie autant à l épisode des Métamorphoses qu à une peinture portant le même titre, signée par le peintre allemand du tout début du XVIIe siècle Adam Elsheimer (1578-1610). Bonnefoy s y adresse directement au peintre : Ah, peintre, qu est-ce donc que cette main /que tu prends dans la tienne quand tu dors 16). Et cette peinture, Bonnefoy la mentionne encore dans un petit poème en 15) Fadi Khodr, Op. cit., p.791. 16) Bonnefoy, La Dérision de Cérès, dans L Heure présente et autres textes, NRF, 2011, p.112.
16 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 prose, La Justice nocturne : Je rêve que je n ai retenu de la peinture du monde que la Dérision de Cérès, d Adam Elsheimer, et la Diane et ses filles, de Vermeer. C est la justice nocturne. Je suis maintenant tout près d elle. Elle a tourné vers moi son petit visage enfantin, elle rit sous ses cheveux en désordre. 17) On retrouve le thème du rêve, mais aussi le portrait de la déesse dans lequel le petit visage enfantin et les cheveux en désordre font écho au front triste et distrait de petite fille et aux mèches désordonnées (II, p.84) que nous avons lus dans la Maison natale. Mais encore une fois, de la même manière que Bonnefoy prenait ses distances avec le récit d Ovide, niant que l enfant se soit moqué de la déesse, mais lui adressant au contraire un cri d amour, le poète dit son désaccord avec la représentation du poète : Moi, je rêve que tu en guides la confiance, Jusqu à celle qui juge, qui condamne, Mais qui aime, et qui souffre. Que tu réconcilies L enfant et le désir. Qu il n y ait plus D étonnement dans l un, de vindicte dans l autre. 18) 17) Bonnefoy, Encore les raisons de Zeuxis, dans La Vie errante, NRF, 1997. 18) Bonnefoy, La Dérision de Cérès, Ibidem.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 17 5. Le poème et le mythe Dans un essai qu il consacra justement au peintre de la Dérision de Cérès, Elsheimer et les siens, Bonnefoy explique que l on peut encore, on doit même interroger les mythes, irremplaçables, (...) mais il faut d abord les mettre à l épreuve de notre condition comme elle est, les réentendre à travers ses voix à elle, brouillées, les reformer de notre substance, sinon ils ne sont vite que de trop belles images, qui disent notre nostalgie, mais nullement notre vérité 19). On comprend dès lors pourquoi Bonnefoy décide d altérer le mythe ; la peinture d Elsheimer est peut-être ce qu il a retenu de la peinture du monde, mais dans sa fidélité au mythe, elle est une trop belle image qui manque à dire notre vérité. Bonnefoy ne dissocie pourtant pas beauté et vérité ; dans le poème XI, il évoque la beauté même, en son lieu de naissance, / quand elle n est encore que vérité (XI, p.96). C est donc de cette réconciliation qu il s agit, réconcilier l enfant et le désir, c est réconcilier beauté et vérité. Mais comment garder audible l espérance dans le tumulte (XII, p.97), c est ce qu ultimement le poète demande, c est tout le sens de sa quête, le sens de ce cri d amour qui devient à la fin du recueil cris d appels au travers des mots, même sans réponse, / Parole même obscure mais qui puisse / aimer enfin Cérès qui cherche et souffre (XII, p.98). En mettant le mythe de Cérès et l épisode des Métamorphoses à l épreuve de sa propre condition, en les reformant de sa propre substance, Bonnefoy cherche à dire sa vérité de poète. Ainsi que le 19) Bonnefoy, Elsheimer et les siens, dans Le Nuage rouge, Folio, 1999, p.36-37.
18 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 remarque Estelle Piolet-Ferrux, Cérès prend ainsi la mesure d une allégorie de la poésie, en quête d un rivage et prête à affronter toutes les nuits pour retrouver l évidence du rire de l enfance 20). Aussi ce cri d amour est à comprendre comme un élan vers la poésie. Le poème IX est en ce sens révélateur puisque Bonnefoy, évoquant cette fois-ci la figure biblique de Ruth, y place, dans sa langue originale, un vers de l Ode au rossignol (Ode to the Nightingale) de Keats ( when, sick for home,/ she stood in tears amid the alien corn (IX, p.93)). Ce vers, ce poème, était en moi depuis l enfance, / je n ai eu qu à le reconnaître, et à l aimer / quand il est revenu du fond de ma vie (idem). La quête de l enfant-poète dans sa maison natale, sous l égide de Cérès comme allégorie de la poésie, devient dès lors comme la parabole de la vocation poétique de Bonnefoy. La rêverie, l imagination métaphysique dont nous avons parlé plus tôt, se comprend alors comme l approche poétique du réel, cherchant à ouvrir un monde où la poésie puisse advenir. Comme le remarquait déjà Bachelard, en rêvant à l enfance, nous revenons au gîte des rêveries, aux rêveries qui nous ont ouvert le monde 21). C est donc par cette rêverie que nous pouvons habiter poétiquement le monde pour reprendre la célèbre expression de Hölderlin. Si l on retrace ainsi le parcours du poète dans la série des douze poèmes de la Maison natale, on découvre d abord le poète retrouver la maison de son enfance et cherche à l ouvrir à la poésie (la sans-visage ) (poème I) avant de découvrir sur le reflet de l eau de 20) Estelle Piolet-Ferrux commente Les planches courbes d Yves Bonnefoy, Gallimard, 2005, p.56. 21) Bachelard, La poétique de la rêverie, p.87.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 19 la rêverie, ce visage riant, d une douceur / de plus et autrement que ce qu est le monde (poème II). Ce visage est finalement identifié au poème III, c est celui de Cérès, buvant avidement de toute sa soif (III, p.85), mais dont l incompréhension (la moquerie) a provoqué son châtiment, la vie murée dans la vie (idem). Le poète, navré qu on ait pris son cri d amour pour une moquerie, ramasse de ce bois où de tant d absence / montait pourtant le bruit de la couleur (poème IV), montrant le poète chercher dans la boue, dans terre, dans les branches de bois qu il ramasse par terre, la poésie du monde. Mais dans le poème V, celle-ci se dérobe au réel : Trop vastes les images, trop lumineuses, Que j ai accumulées dans mon sommeil, Pourquoi revoir, dehors, Les choses dont les mots me parlent, mais sans convaincre (V, p.87) La quête reprend, voyage au cours duquel le poète dédiai[t] [s]es mots aux montagnes basses / qu[ il] voyai[t] venir à travers les vitres (poème VI). Ce voyage le ramène au temps où son père était vivant, l amenant à revivre ce temps et ses regrets : J aurai barré Cent fois ces mots partout, en vers, en prose, Mais je ne puis Faire qu ils ne remontent dans ma parole. (poème VII, p.91) Au poème VIII, l enfant est là, qui regarde ses parents discuter, n entendant par leurs paroles, mais [sachant] que l on peut naître de
20 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 ces mots (VIII, p.92), devinant la force créatrice de monde de la poésie. Force qui s impose à lui au poème IX avec l évocation des vers de Keats. Une fois cette conviction acquise, le poète reprend sa route, mais d une façon plus assurée. Ce n est plus la recherche à tâtons, avec la main qui hésite à toucher la buée du poème II (p.84), c est la reconnaissance et l acceptation de la situation de Cérès, qui cherche et souffre 22) (XII, p.98). Dès lors, le poète devient à son tour celui qui cherche, aime et souffre, après avoir fait le constat de sa condition d exil : Qu avais-je eu, en effet, à recueillir De l évasive présence maternelle Sinon le sentiment de l exil et les larmes Qui troublaient ce regard cherchant à voir Dans les choses d ici le lieu perdu? (IX, p.93) On le voit donc, le mythe devient le lieu où le poème, que Bonnefoy définit comme étant à la fois l imagination sans frein et l adhésion au plus simple de l existence 23), nous rappelle et notre finitude et notre désir d une vraie vie, qui ne serait pas murée dans la vie. 22) Rappelons que dans le sonnet La dérision de Cérès, Bonnefoy change un verbe et écrit : qui aime et qui souffre (Op. cit., p.112, c est nous qui soulignons), comme pour signifier que l amour est cette recherche. 23) Bonnefoy, L Imaginaire métaphysique, p.24.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 21 6. Conclusion En douze poèmes, Yves Bonnefoy retrace le parcours de sa vocation poétique mais aussi sa conception de la poésie comme recherche, utopique sans doute, mais nécessaire, pour savoir Comment faire pour que vieillir, ce soit renaître, Pour que la maison s ouvre, de l intérieur, Pour que ce ne soit pas que la mort qui pousse Dehors celui qui demandait un lieu natal? (XII, p.97) Le poète choisit non pas de moquer mais au contraire d aimer et d embrasser Cérès, belle allégorie de la poésie comme recherche de ce qu on a perdu (Perséphone), quête de refuge ( ce fut Cérès qui, de nuit, parut chercher refuge (XII, p.97)) et son besoin de boire / avidement au bol de l espérance (idem). Car la poésie est aussi un refus autant du désespoir que de la mélancolie, cette tentation d aimer une image du monde dont on sait qu elle n est qu une image, et qu elle prive donc de ce retour que l on désire 24). Face à la mélancolie que Bonnefoy décrit encore comme un bonheur malheureux, la poésie reste cette invitation au voyage que figure ce navire qui attend au large (XI, p.96). Aimer Cérès, avoir pitié d elle, c est en fin de compte accepter et prendre pour soi ce long périple sur la barque aux planches courbes qui est, pour reprendre les termes d Estelle Piolet-Ferrux, une ouverture au monde, promise par le contact végétal et l eau éternelle, la possibilité ultime, mais précaire, de trouver rivage 25). 24) Ibidem, p.64.
22 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 On l a vu, si l art, la peinture, illustre le mythe, produit une image dont on sait qu elle n est qu une image, la poésie investit le mythe, en fait l expression de sa propre définition et permet à terme une lecture de soi où l expérience morale, née de ce consentement de l auteur à toutes ses finitudes, prend le pas sur la rêverie esthétiqu e 26), une lecture que nous avions qualifiée de mythobiographique. Ainsi, le poème-mythe dépasse la rêverie purement esthétique (la beauté) pour décrire une expérience morale et dicter une façon d être au monde ( quand elle[la beauté] n est encore que vérité (XI, p.96)). On comprend dès lors que le recours au mythe pour sortir du récit purement autobiographique permet à l expérience personnelle et individuelle du poète d approcher une vérité plus universelle. Beauté et vérité (XII), voilà ce qui constitue le sens, si ce n est le fond, de la recherche du poète, quelque chose qui nous aide à poursuivre, inlassablement, notre voyage, tout en aimant et en souffrant. Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, Bonnefoy rappelait que nous continuons à avoir besoin, pour simplement désirer survivre, d un sens à donner à la vie 27). Et c est bien cela que cherche à faire la poésie bien plus que les arts, donner un sens à la vie, certes, mais non pas abstraitement, non pas conceptuellement, mais éthiquement, pour reconquérir une présence auprès de la mort, pour vivre en acceptant toutes nos finitudes, c est-à-dire pour simplement désirer survivre. 25) Estelle Piolet-Ferrux, Op. cit., p.55. 26) Bonnefoy, Ibidem, p.77. 27) Bonnefoy, La leçon inaugurale au Collège de France, le vendredi 4 décembre 1981, Collège de France, 1981.
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 23 Bibliographie Bachelard, Gaston, L Eau et les Rêves, José Corti, 1942 -, La poétique de la rêverie, PUF 1960 Bonnefoy, Yves, L Heure présente et autres textes, NRF, 2011 -, L imaginaire métaphysique, Seuil, 2006 -, La leçon inaugurale au Collège de France, le vendredi 4 décembre 1981, Collège de France, 1981 -, La Maison natale, dans Les planches courbes, NRF -, Le Nuage rouge, Folio, 1999 -, Récits en rêve, Mercure de France, 1987 -, La Vie errante, NRF, 1997 Freud, Sigmund, L Inquiétant, traduit par J. Altounian, A. Bourguignon, P. Cotet, J. Laplanche et F. Robert, dans Les Oeuvres complètes de Freud, volume XV, PUF, 1998 Grimal, Pierre, Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, PUF, 1951 Guirand, Félix et Schmidt, Joël, Mythes & Mythologie, Larousse, 1996 Khodr, Fadi, Yves Bonnefoy et la réécriture du mythe, sous la direction de Peter Schnyder, Métamorphoses du mythe, Orizons, 2008 Ovide, Les Métamorphoses, Livre V, 438-461, traduit par Georges Lafaye, Folio, 1992 Piolet-Ferrux, Estelle, commente Les planches courbes d Yves Bonnefoy, Gallimard, 2005
24 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 국어초록 시인의신화적전기 (mythobiographie) : 이브본느프와시집 생가 시 12편으로구성된생가라는시집에서이브본느프와가자신의어린시절을돌아보고있다. 그러나 잠이깼다, 생가다 라고하는시행으로시작하는이시집을읽어보면, 잠이깼다기보다는꿈속으로뛰어든다. 시인본느프와가자신의생가를묘사하는부분에서는물이거실안으로흘러들어가고있다는것과같은기이한요소를발견한다. 본논문은시인본느프와가자신의어린시절을그리면서고대신화와연관짓는이요소들을삽입하는뜻을살펴보고자한다. 우선꿈의틀안에현실과명상이공존할수있는공간을제공하고있다. 시가그리는꿈속에서친숙한배경이되어야하는생가가초현실적인요소로부터침범당하면서점점낯설게느껴지기시작한다. 마치시인이어린시절에살고있던집이더이상자기생가가아니라자기가모르는집이된것같다는인상을준다. 친숙하면서도낯선이 생가 는결국음산한곳이되어버린다. 그이유는이공간을낯설게하는요소들이명계 ( 冥界 ) 에관한신화속에서찾을수있는요소들이기때문이다. 이시집의시 12편내내흘리는물은강이되고, 시집끝에그림자가조종하는배가승객을기다리는장면등은그리스신화속에서찾을수있는죽은자를저승으로건네준다는뱃사공카론을떠올리게한다. 이런신화에비추어볼때, 시집전체가죽음의그림자아래놓여있다는것을볼수있다. 제7편과제8편시에는본느프와가어릴적에잃어버린자
La mythobiographie du poète dans La Maison natale d Yves Bonnefoy 25 신의아버지를보는데만지려고해도만져지지않는환상과같다. 마치오르페우스가아내를찾으러명계 ( 冥界 ) 로내려가는것처럼. 제4편에서도아이로되돌아간시인이뒤를돌아보면등뒤에서들리던소리가사라지고아무도보이지않는다. 그러나본느프와는 생가 라는시집속에서오르페우스의신화가아닌다른신화를언급하고있다. 이신화는오비디우스의 변신이야기 에그려진케레스의신화다. 명계 ( 冥界 ) 의왕하데스에게납치된딸페르세포네를찾아온세계를헤매게되는케레스가어느밤, 너무지친나머지자그마한오두막집으로가물한컵을달라고한다. 케레스는목이말라물을게걸스럽게마시더니오두막집에살고있는한꼬마아이가그녀를비웃자그꼬마에게저주를내린다. 오르페우스처럼, 케레스도명계로가버린딸을찾고있는점은주목할만하다. 그러나더중요한것은오비디우스의일화를인용하면서본느프와는여신을비웃은아이와자신을동일시하여아이의웃음이비웃은것이아니라애정의표현이라고달리설명한다. 원래의신화이야기를살짝틀어서, 본느프와가자신의시학과여느시인의자질을암시하는것이다. 모성애를가득품고, 딸을잃어버린고통을당하면서도계속해서온세계를헤매는케레스. 결국인생이짧지만이사실에주저하지않고인생의의미를찾으러헤매는시인들. 이들이사뭇닮았다는것을본느프와가이시집을통해서우리에게알려주는듯하다. 꼬마-시인이진리를추구하는아름다운여신을비웃지않고자신도진리와아름다움을추구하겠다고맹세한것이다. mots clés : Bonnefoy 이브본느프와 / mythocritique 신화비평 / poésie 시 / rêverie 명상 / Déméter 데메테르 투고일 : 2015. 3. 25. 심사완료일 : 2015. 4. 30. 게재확정일 : 2015. 5. 11.
프랑스문화예술연구제 52 집 (2015) pp.27 51 프랑스중세의번역과번역자 김준한 ( 고려대학교 ) 차례 1. 머리말 2. 시대구분 (Périodisation) 3. 프랑스중세번역문헌목록 4. 프랑스중세번역사연구의난점 5. 프랑스중세번역 6. 맺음말머리말 1. 머리말 리벤될스트 (Lieven D'hulst, 2014, p. 7) 는존벤자민스출판사의온라인서지목록 Translation Studies Bibliography 1) 의검색결과를언급하며 1994~2012 년사이에 역사적접근 (approche historique) 항목의연구성과물이 1,223건에달해 문학적접근 (approche littéraire) 1,622건, 문화적접근 (approche culturelle) 1,430건에이어세번째로많은연구성과가도출되고있음을보여주고있다. 같은서지목록의 2015년 3월현재접근방법별연구성과물순위도동일하게유지되고있다. 문학적접근 : 1,794건문화적접근 : 1,517건역사적접근 : 1,377건 1) https://www.benjamins.com/online/tsb/ - 화면좌측메뉴의 Thesaurus 에서접근방법 (approaches) 을선택하면각방법론별서지목록을확인할수있다.
28 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 언어학적접근 : 642 건 물론번역에대한 역사적 접근방법이라는것이워낙다양한관점에서이루어질수있고, 이통계가단순키워드검색을통해이루어지는것이라는면에서수치자체에큰의미를부여하기는힘들다고할수있다. 번역사연구의관점으로범위를좁히고, 특히프랑스중세번역사분야로연구를한정한다면지금까지의연구는이제겨우본격적인단계에진입하고있는수준이라고말할수있을것이다. 본고에서는프랑스중세번역사의관점에서특히번역과번역자의개념, 그리고번역자의역할과번역방식에초점을두어논의를전개해나갈것이다. 2. 시대구분 (Périodisation) 모든역사적관점의방법론에서와마찬가지로프랑스중세번역사연구에있어서도논의에앞서정확한시대구분과연구대상시기의한정이이루어져야할것이다. 먼저서양중세사의관점과언어발달사의관점에서 중세 의범위를한정해보기로한다. 2.1. 프랑스와프랑스어의시작 서양중세의범위정의에는큰이견이존재하지않는다. 서로마제국이멸망한 476년부터콘스탄티노플이함락 ( 즉동로마제국의멸망 ) 된 1453년까지의시기를일반적으로서양중세로정의한다. 10세기에걸친긴시기이다보니전기중세 (Haut Moyen Âge, 5~11세기 ) 와후기중세 (Bas Moyen Âge, 12~15세기 ) 로구분하거나, 전기중세 (5~10세기), 중기중세
프랑스중세의번역과번역자 29 (Moyen Âge central, 11~13 세기 ), 후기중세 (14~15 세기 ) 로구분하기도한다 2). 프랑스 라는이름의기원이되는 프랑크족 (Francs) 의클로비스 (Clovis) 가 481년에수립한메로빙왕조 (dynastie mérovingienne) 가프랑스의역사적출발점이된다. 이후페팽르브레프 (Pépin le Bref) 에의한카롤링왕조 (dynastie carolingienne, 751년 ) 를거쳐위그카페 (Hugues Capet) 의카페왕조 (dynastie capétienne, 987) 가수립되며중세프랑스어시기로진입하게된다. 메로빙왕조에서카페왕조시작지점까지의시기중프랑스어발달사와관련해가장주목할만한사안은카롤링르네상스 (renaissance carolingienne, 8~9세기 ) 시기에시도된라틴어복원이라고할수있다. 변질된라틴어를철자, 형태, 통사차원에서고전라틴어 (latin classique) 에근접한모습으로재정비하게된것인데, 구어차원에서는세속어와라틴어사이의간극이더벌어지게되는결과가초래된다. 세속어와라틴어의차이가너무커져신자들이라틴어미사강론을이해하지못하게되자샤를마뉴의명으로소집된투르공의회 (813) 는결국라틴어대신세속어를사용해강론할것을권고하게되었다. 이후라틴어는세속어로번역되어야이해되는언어가되었으며, 842년스트라스부르서약 (Serments de Strasbourg) 3) 을기점으로세속어인로망어는어느정도 국어 (langue d'état) 로격상되어번역과저술을위한언어로자리매김하게된다. 프랑스어의시작을이야기할때반드시언급되는스트라스부르서약이최초의프랑스어문헌이라고말하기는힘들다. 라틴어와는이미언어적 2) 중세를두개의시기로구분할경우후기중세에중세프랑스어 (français médiéval) 시기전체가대응하며, 세개의시기로구분하게되면중기중세는고프랑스어 (ancien français), 후기중세는중기프랑스어 (moyen français) 시기와일치한다. 3) 라틴어버전이먼저작성되고이를로망어와게르만어로번역했으리라고추정하는것이일반적이지만, 로망어버전이원본이고여기에서게르만어와라틴어번역이비롯되었을가능성이있다는의견도있다 (B. Cerquiglini, 1991).
30 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 으로달라지고, 프랑스어적요소가나타난다고는하지만프랑스어의초기모습이라기보다는아직은프랑스어이전의로망어상태라고간주하는것이타당하다 4). 스트라스부르서약이후몇편의텍스트가더나타나기는했지만 5), 언어적특성과작품의형식면에서진정한중세프랑스어와중세프랑스문학시기로진입했음을알리는작품은 11세기중반의 성알렉시전 Vie de saint Alexis 이라고할수있다 6). 2.2. 프랑스어의시기구분 중세프랑스어 (français médiéval) 의시작시점을 11세기로보는데에는이견이없으나, 중세프랑스어가끝나는시기, 보다정확히말하면중세프랑스어의두시기인고프랑스어 (ancien français) 와중기프랑스어 (moyen français) 중중기프랑스어의종료시점에대해서는의견이상당히엇갈리고있다 7). 여기서는 2종의프랑스어대사전 TLF(Trésor de la Langue Française) 와 DMF(Dictionnaire du Moyen Français) 에서사용하는시기구분만을소개하기로한다. 4) 서프랑키아 (Francie occidentale) 의왕샤를르쇼브 (Charles le Chauve) 가동프랑키아 (Francie orientale) 왕루이르제르마니크 (Louis le Germanique) 의병사들앞에서낭독한서약문의언어인튜튼어 ( 프랑스어로는 tudesque. 게르만어형태 *theudiskaz 는독일어 deutsch 의어원으로라틴어나로망어가아닌게르만족의언어를통칭 ) 역시아직독일어의상태로발전한것은아니었다. 5) Séquence de sainte Eulalie (881-882 년경 ), Vie de saint Léger (10 세기 ), Passion de Clermont (10 세기말 ) 등 6) Pratiquement, l'histoire de l'ancien français commence au XI e siècle avec la Vie de saint Alexis [...] (G. Zink, 1997, p. 12); La Vie de saint Alexis, [...] a une portée bien plus considérable. Jamais encore le français n'avait produit un poème aussi long (625 vers), à la versification aussi élaborée, à la technique littéraire aussi maîtrisée. (M. Zink, 1992, pp. 38-39) 7) 중기프랑스어의시기정의에대해김영모 (2002, pp. 13-15) 는 A. Darmesteter, F. Brunot, A. François, P. Guiraud, K. Togeby, W. v. Wartburg, Ch. Bruneau, M. Wilmet, J. Huizinga, R. Martin, Ch. Marchello-Nizia, G. Zink, O. Soutet 등주요중세프랑스어연구자들의견해를소개하고있다.
프랑스중세의번역과번역자 31 먼저 TLF에서는프랑스어발달사상의시기를통시적관점에서 가장오래된시기 - 중간시기 - 근대 의 3단계로크게구분하며, 중기프랑스어시기는 16세기를포함한다. Ancien français - moyen français(14-16 세기 ) - français moderne 반면에 DMF는중기프랑스어의시기를 1330년부터 1500년까지로명시하여고프랑스어시기와함께중세프랑스어를구성하는것으로규정한다. Ancien français - moyen français(1330-1500) - français du 16e siècle [ ] 프랑스중세번역사연구에있어서도현재까지는위의두시기구분방법이혼용되고있다. 예를들어폴체이비 (Paul Chavy, 1988) 는 16세기를중기프랑스어시기에포함시키는반면클라우디오갈데리지 (Claudio Galderisi, 2011) 의경우 1500년을그종료시점으로보고있다. 하지만에티엔돌레 (Étienne Dolet) 이후 16세기중반에현대적의미의번역론이등장하기전까지는 16세기의번역도중세의번역관을그대로유지하고있다는점에서볼때, 프랑스중세번역사의연구는중세프랑스어와 16세기중반까지의시기를포함하는편이역사적관점의기술을보다용이하게할수있을것으로보인다. 3. 프랑스중세번역문헌목록 프랑스중세문학분야는종교극텍스트에대해루이프티드쥘빌 (Louis Petit de Julleville) 과쥘드두에 (Jules de Douhet) 가펴낸서지목
32 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 록및작품연구 8) 에서보듯이한분야의연구대상이되는모든필사본과인쇄본들을총망라한서지학적연구가잘이루어져있다. 중세번역사분야도마찬가지여서폴체이비와클라우디오갈데리지에의한 2종의문헌연구와목록을겸하는대작이존재한다. 사실상중세프랑스어로번역된모든원작과번역작품을확인하고연구의출발점으로삼을수있다는말이된다. 폴체이비 (Paul Chavy) 목록 9) 체이비의목록은 842년부터 1600년까지, 즉스트라스부르서약부터중세프랑스어시기, 16세기전체시기에이르기까지의모든프랑스어로의번역과원작, 번역자, 작가를수록하는것을목표로하고있다. 이를위해기본적으로번역자와작가들을알파벳순으로분류하고, 이들의생애를기술하였으며, 번역자또는작가항목아래그들의작품이나번역목록, 번역문의발췌, 역자서문등곁텍스트를수록하고있다. 제목에 문학 (littérature) 이들어가지만좁은의미에서의문학작품만이아니라프랑스어로번역된성경, 성자전, 과학, 의학, 농학, 수렵등다양한분야의문헌들을담고있다 10). 또한번역텍스트의성격과관련해서는, 중세번역의특성을감안하여 번역 (traduction), 설명적환언 8) Louis Petit de Julleville (1880), Les Mystères, Paris, Hachette, 2 vol. (1. 459 p.; 2. 648 p.); Jules de Douhet (1854), Dictionnaire des mystères ou collection générale des mystères, moralités, rites figurés et cérémonies singulières, ayant un caractère public et un but religieux et moral et joués sous le patronage des personnes ecclésiastiques ou par l entremise des confréries religieuses, suivi d une Notice sur le théâtre libre, complétant l ensemble des représentations théâtrales depuis les premiers siècles de l ère chrétienne jusqu aux temps moderne, Paris, J. P. Migne, 1575 p. (réimpr. Turnhout, Brepols, 1989). 9) Paul Chavy (1988), Traducteurs d autrefois. Moyen Âge et Renaissance. Dictionnaire des traducteurs et de la littérature traduite en ancien et moyen français, Paris/Genève, Champion/Slatkine, 2 vol., 1544 p. 10) Ces disciplines - et d'autres encore - ont mis longtemps à divorcer d'avec les lettres (P. Chavy, 1988, p. 7)
프랑스중세의번역과번역자 33 (paraphrase), 번안 (adaptation), 모방 (imitation) 등의경계를구별하지않고가장넓은의미에서의번역텍스트들을수록하고자했다 11). TRANSMEDIE 프로젝트 12) 갈데리지가이끄는연구팀에의한 중세번역 Translations médiévales 은 2006년말부터 2010년까지 48개월간수행된 TRANSMEDIE 프로젝트의결과물이다 13). 이프로젝트는 2003년부터장-이브마송 (Jean-Yves Masson) 과이브슈브렐 (Yves Chevrel) 의주도로수행된 1500년 ~2000 년사이의프랑스번역사연구프로젝트에서파생된것으로, 인쇄술의발달로서적의보급이급속히늘어난 16세기이후에대해서는불가능하겠지만, 중세번역과관련해서는존재하는모든문헌을총망라한완전한서지목록의작성이가능하고, 또필요하다는의견에서출발하였다. 엄밀한의미에서의중세프랑스어구간인 11세기부터 1500년까지 14) 사이에프랑스어로번역된역사, 철학, 문학, 신학, 과학분야 1200종의원작, 3000종가량의번역텍스트 15) 목록화가이루어졌으며, 각필사본 11) 성자전처럼비문학텍스트에서출발해문학형태가된경우나, 15 세기성사극 (mystère) 들을번역으로간주하는등문학번역의범위를지나치게확대했다는비판을받기도한다. (C. Thiry, 2007, p. 11) 12) Translations médiévales. Cinq siècles de traductions en français au Moyen Âge (XI e -XV e siècles). Étude et Répertoire, dir. Claudio Galderisi, Turnhout, Brepols, 2011, 2 vol. (3 tomes), 2191 p. 13) CESCM(Centre d'études Supérieures de Civilisation Médiévale) 이주도하고중세텍스트연구및판본연구소 (Laboratoire Études et éditions de textes du Moyen Âge), IRHT(Insitut de Recherche et d'histoire des Textes), LAPRIL(Laboratoire pluridisciplinaire de recherches sur l'imagination appliquée à la littérature) 이참여했으며, 콜레주드프랑스, 국립고문서학교 (École nationale des chartes), 프랑스국립도서관, 그리고프랑스및해외주요대학의연구자들이참여한초대형프로젝트이다. 14) 번역문이 1500 년이전것이확실할경우 1500 년이후에출간된인쇄본도일부수록 15) 프로젝트의원래계획에따르면 10~15 세기사이에프랑스어로번역된고대, 전후기중세의외국어텍스트 2000 종, 번역텍스트 6000 종을목록화하는것이목표였으나, 대상시기를 11~15 세기로축소하면서각각 1200 종과 3000 종으로목록화한텍스트의수가줄어들었다.
34 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 및인쇄본의소재, 외형기술, 내용, 번역방식에대한기술도함께제시된다. 또한단순한서지목록에그치는것이아니라 616쪽에달하는중세번역사연구에 1권전체가할애되어있다. 1권의연구전체를아우르는제목 고대지식의전승에서번역의연구까지 (De la translatio studii à l'étude de la translatio) 에서알수있듯이중세번역의개념을정의하고그발전과정을상술하고있다. 4. 프랑스중세번역사연구의난점 번역연구에있어서출발어와도착어에대한충분한이해는필수적인요소이며, 이조건이충족되지않으면번역현상에대한제대로된분석자체가이루어지기힘들다. 나의번역학은번역된텍스트와그원전의관찰에기반한다. 과학이란실재하는것의관찰을바탕으로해야한다고믿기때문이다 (M. Ballard, 2004, p. 52) 번역학의관점에서볼때, 출발어텍스트와도착어텍스트의비교로부터문제점과해결책을찾는체계적연구가필수적이다. (B. Hatim et I. Mason, 1990, p. 14) 출발어와도착어의해독능력을갖추어야한다는이조건은프랑스중세번역사연구의가장큰어려움으로제기된다. 현대프랑스어와는완전히다른상태인중세프랑스어는프랑스어화자들에게도마치외국어처럼오랜기간동안학습해야해독할수있는언어이다. 또한번역연구이니만큼출발어에대한해독능력도요구된다. 중세프랑스어로의번역이사실상전적으로라틴어텍스트를바탕으로이루어진다는점에서라
프랑스중세의번역과번역자 35 틴어를읽고해독할수있는역량이반드시필요하다고하겠다. 이러한언어의장벽은국내번역연구자들에게는거의넘을수없는장애물인것처럼느껴지기도한다. 하지만이문제는반드시국내연구자들에게만한정되는것은아니라고도할수있다. 우선현재통번역교육을담당하고있는교육기관들은실용적성격을갖는곳이대부분이기때문에통번역시장이활성화되어있는언어들의교육에전적으로치중하고있다. 따라서번역학을기반으로출발한연구자들은고대와중세언어의번역현상을기술할수없는경우가많다. 고대이집트, 수메리아등고대언어의번역연구가고고학과문헌학의전유물이었듯이, 중세번역연구역시문헌학과문학기반의연구자들이주도하고있다. 또한프랑스중세문헌학과문학연구자가운데서도고대및중세라틴어원전을충분한수준으로해독해낼수있는역량을가진사람이그렇게많지않은것도사실이다. 라틴어와중세프랑스어중어느한쪽이라도완전히해독이되지않는다면번역연구에큰지장을받게될것임은자명한이치이나, 중세번역현상의특수성은현대번역학에서처럼출발어와도착어의비교분석이반드시절대적인것만은아니라는점을보여준다. 우선번역저본과번역문사이의관계가불확실하고절대적이지않다는점이다. 체이비는프랑스중세번역문헌목록작성과정에서각프랑스어번역의저본으로사용된라틴어필사본을찾는어려움에대해말하며 중세의번역자가어느필사본 ( 또는인쇄본 ) 을저본으로삼아작업했는지를알수없는경우가상당히많다 (P. Chavy, 1988, pp. 10-11) 라고지적한다. 즉중세번역은현대번역학연구에서처럼저본의텍스트가도착어로옮겨지는과정과결과를엄밀하게분석하기힘들다는말이된다. 중세의필사과정및관행을감안하면원문텍스트와도착어텍스트사이의관계는더욱불확실해진다. 중세의필사는저본의텍스트를그대로옮겨적는것이아니라축소나확대의과정을거치는경우가매우많다 16). 동일한작품을수록하고있다하더라도모든필사본은유일한것
36 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 이어서역자가번역에사용한저본이특정되지않는다면출발어-도착어관계의분석은그중요성이떨어질수밖에없는것이다. 여기에중세특유의번역관문제가더해진다. 현대적의미의 충실한번역 (traduction fidèle) 이란것은 16세기중반에가서야나타나는개념이다. 출발어형식의존중이라는개념이존재하지않는다고할수있는중세번역에현대번역이론의관점을적용할수는없는일일것이다. 될스트 (L. D'hulst, 2014, p. 42) 의말처럼현대의지식범주를과거에적용해서는안된다. 동일한현상에대해당대인들이가지고있던개념과충돌이일어나기때문이다. 5. 프랑스중세번역 문학번역에한정된것이기는하지만몽프랭 (J. Monfrin, 1985, pp. 193-194) 은 15세기나 16세기초에가서야엄밀한의미의문학적번역이시작된다 고말한다. 범위를번역일반으로넓혀도전례나행정문서정도로국한될뿐번역을거론하기힘들다는견해가지배적이다 17). 하지만 16) 14 세기작품인 페르스포레 Perceforest 를예로들수있다. 질루시노 (Gilles Roussineau) 판의저본으로사용된 15 세기필사본 A(4 부는 B) 는원문을축소해적는경향이있고, 다비드오베르 (David Aubert) 에의한또다른 15 세기필사본은문장을다시쓰고내용면에서도상당한분량을추가한확장판이다. 17) Il est difficile d'évoquer la traduction en français avant la Renaissance. Certes, on trouve ici et là des traductions liturgiques ou administratives en ancien français, mais le latin garde son rang de langue cible des traduction jusqu'au XVI e siècle au moins pour les textes littéraires et jusqu'à la fin du XVIII e siècle pour les textes scientifiques. Le tournant a lieu néanmoins au milieu du XVI e siècle: en 1539, le roi de France décrète le français langue officielle, à l'égal du latin qui était à l'époque la langue du savoir et de l'élite. Grâce à l'essor de l'imprimerie, les penseurs de l'humanisme profitent du décret royal pour diffuser le savoir parmi le peuple en multipliant les traductions dans les langues vernaculaires, lesquelles sont comprises par tout le monde. (M. Guidère, 2010, p. 30)
프랑스중세의번역과번역자 37 이러한분석은중세의번역현상을현대의관점에서해석하여왜곡과번역론의부재만을부각시키는결과를가져온다. 중세의번역은현대의번역과개념자체가다른것이기때문이다. 현대프랑스어에서 번역 행위와관련해사용하는어휘들이 traduire, traduction, traducteur 인반면, 중세프랑스어에서는 translater, translation, translateur 라는단어들을사용한다. 갈데리지 (C. Galderisi, 2011) 의중세번역문헌연구와목록집제목이 Translations médiévales인것도바로이런이유에서이다. 중세프랑스어에도 15세기에 traduire라는동사가나타나기는했지만법률용어등으로만사용되다가, 현대적번역론이태동하기시작할무렵인 1539년에로베르에스티엔 (Robert Estienne) 이오늘날의의미로 traduire 를쓰기시작했으며, 그다음해인 1540년에에티엔돌레 (Étienne Dolet) 가 La manière de bien traduire d une langue en aultre에서 traduction 과 traducteur 를등장시키게된다 (M. Guidère, 2010, p. 16; H. Van Hoof, 1991, p. 31). 원래 transférer 의의미로출발한중세프랑스어동사 translater 는 한언어에서다른언어로옮기다, 즉 번역하다 의뜻으로사용되었으나, 이때의번역은현대프랑스어 traduire 와완전히동일한개념은아니다. 라틴어텍스트의전승, 즉고대지식을중세로전승하는행위가번역이었으며, 이는곧 Translatio Studii의정신과일치하는것이었다. 물론중세의번역자들에게도 충실한번역 에대한개념이완전히결여되어있었던것은아니다. 아래의두예문은비록선언적의미일뿐이지만라틴어원문에있는그대로번역을하겠다는역자의의도를보여준다. Si com en latin trouvé l'ai / En françois le vous descrirai / Mot à mot sans rien trespasser. 18) 내가라틴어로읽는그대로 / 프랑스어로여러분께이야기하겠습니다. / 하나도빠뜨리지않고단어대단어로말입니다. 18) P. Meyer (1887), Notice du manuscrit 1137 de Grenoble, Romania 16, p. 222.
38 2015 프랑스문화예술연구제 52 집 Se je ne di con li latins / Si me lopinés de tatins. 19) 라틴어로써있는대로말하지않는다면 / 내뺨을때리시오. 아래의중세복음서번역은실제로원문에충실한번역의예를보여준다. 주어인칭대명사의표시등프랑스어에꼭필요한요소가아닌한라틴어원문을축소하지도확대하지도않은번역이다. ( 라틴어원문 ) Domine, salva nos, perimus. / Et dicit eis Jesus: / Quid timidi estis, modicae / fidei? / Tunc surgens, imperavit / ventis et mari; / Et facta est tranquillitas / magna. ( 중세프랑스어번역문 ) Sire, sauve-nous, nous périssons. / Et il leur dit: / Pourquoi estes-vous cremeteux, / de petite foi? / Dont se leva il sus, et si comanda / aus vens et a la mer; / Et tantost fu faite grand tranquillité. 20) 또한조프루아드와테르포르드 (Jofroi de Waterford) 의에우트로피우스 (Eutropius) 번역이나장드묑 (Jean de Meun) 의아벨라르-엘로이즈서한집번역은라틴어판의현대판본편자들에게도원전에충실하고라틴어필사본과동급이라는평을받고있다 21) (P. Chavy, 1974, p. 558). 충실한번역의예들을발견할수있다하더라도중세번역은라틴어원문의형식에얽매이지않는다는점은일반적인사실이다. 이러한번역경향은번역의이유, 또는번역의목적과밀접하게연관되어있다. 전술한바와같이중세번역의목적은라틴어지식을중세로가져와 19) Jehan Bras-de-Fer, de Dammartin-en-Goële, Pamphile et Galatée, éd. par J. de Morawski, Paris, Champion, 1917, vv. 2232-2233. 20) Les évangiles des domées, éd par R. Bossuat et G. Raynaud de Lage, Paris, Librairie d'argences, 1955, p. 35. 21) 뒤에따로예시하겠지만그렇다고이들의번역이라틴어원문을항상글자그대로따르고있다는말은아니다. 번역문중간에번역자들이개입하는경우도상당수존재한다.
프랑스중세의번역과번역자 39 확산시키는지식의대중화 (vulgarisation) 였다. 순수한종교적사명감에서성자전이나성서의일부대목을대중의언어로옮기는경우도있었겠으나, 보다실질적인이유에서번역이수행되는경우도많았다. 군주나고위귀족등번역발주자들에게있어서는지식을독점하는성직자의특권을축소하고자하는정치적이유에서였을수도있으며, 이들의주문을받은번역자들은보수는물론신변의보호등실질적인이득을얻을수있었다. 어느경우든교육과교화라는실제적인필요에의해비롯된중세번역의가장중요한목표는 메시지 의전달이었으며텍스트의형식자체는크게중요하지않았다. 보에티우스 (Boethius) 번역을명하며필립르벨 (Philippe le Bel) 왕이장드묑에게직접 라틴어어법을너무따르지말고저자가말하고자하는의미를중시하라 고지시한데에서도이점을잘알수있다 22). 매우압축적인글쓰기가특징인라틴어텍스트의메시지를무지한대중들에게전달해야하는번역자의임무는매우고된것이었다. 메시지의효과적전달을위해단순한번역에서벗어나번안을하거나, 의미를명확하게하기위한주석및설명을덧붙이고, 흥미를끌기위한확장및장식, 또는교육의목적과맞지않는부분의삭제및축소, 문화적차이를없애기위한현대화및현지화기법이동원되는것이일반적이었다. 예를들어성경의마카베오서 (livre des Macchabées) 를무훈시로둔갑시킨 Chevalerie de Judas Macabe에서세단어로이루어진라틴어성경 (Vulgata) 문장은 15배가까운어휘가사용된긴시행들로탈바꿈한다. ( 라틴어성경 ) Aperuit aerarium suum. ( 프랑스어텍스트 ) A plusiors donna grant tresor: / Dras de 22) 이번역의서문에서장드묑은축자역을하지않은이유가명확성을위한것이었음을밝히고, 자신의번역은식자들이아닌속인들을위한것이라고명시한다. 장드묑이서문에서이러한입장을밝힌것은성직자들의비판을의식해독자가아닌성직자들에게자신의번역원칙을설명할의도를갖고있었기때문이기도하다 (M. Ballard, 2013, p. 61).